Presse
Les Echos | Le courage de la verite (par Jerome Cahuzac)
19 mars 2012
Par Jérôme Cahuzac, Président de la Commission des Finances à l'Assemblée nationale
Le projet de François Hollande prévoit un rétablissement de nos finances publiques cohérent avec la loi de Finances pluriannuelle votée par le Parlement et respectueux de nos engagements européens. Honorer la parole de la France est en effet indispensable pour que notre pays retrouve une voix forte.
Il suffit pour s'en convaincre d'observer ce que fut, a contrario, la perte de crédibilité de notre pays après que Nicolas Sarkozy a indiqué, en juillet 2007, qu'il ne respecterait pas les engagements de retour à l'équilibre budgétaire que son prédécesseur avait pris au nom de la France. L'effort proposé par François Hollande est de 29 milliards d'euros et il sera complété, avec des hypothèses de croissance clairement indiquées, par une baisse de 2,6 points de PIB en 2017 de la dépense publique, soit 50 milliards d'euros. Quant à l'enveloppe finançant les mesures nouvelles, elle est de 20 milliards d'euros. Avant d'être demandés, ces efforts seront précédés d'une réforme fiscale reposant sur un principe simple : ceux qui peuvent le plus contribueront le plus.
L'examen par l'Institut Montaigne de ces deux enveloppes de recettes indique un montant de 13 % - 6 milliards d'euros -de moins qu'annoncé par François Hollande lors de la présentation de son projet. Cette expertise, judicieuse dans son principe, comporte des erreurs d'assiette et de rendements dont voici les principales.
1. Le produit attendu de l'imposition des revenus du capital comme les revenus du travail est calculé par l'Institut sur une assiette qui ne tient compte ni de la réforme de la fiscalité des dividendes, ni du rétablissement de l'application, selon les modalités ayant prévalu jusqu'en 2004, du barème aux plusvalues immobilières -celles relatives à la résidence principale restant exonérées. Au seul titre des plus-values immobilières, il convient de rajouter 13 milliards d'euros à l'assiette de 18 milliards retenue par l'Institut Montaigne. Le rendement supplémentaire sera d'au moins 2 milliards d'euros.
2. Le rendement de la tranche d'imposition à 45 % a été chiffré sans inclure dans l'assiette les revenus du capital. Le rendement supplémentaire sera d'au moins 250 millions d'euros.
3. La suppression des amortissements dérogatoires semble avoir été chiffrée sur une seule année d'investissement. Or cette disposition sera bien sûr pérenne. L'estimation de l'Institut est donc sous-estimée de 2 milliards d'euros.
4. La remise en cause des avantages supplémentaires consentis en matière de droits de succession en 2007 a été évaluée sans tenir compte de la prolongation à quinze ans de la période de reprise fiscale. Cette mesure représente un rendement d'au moins 400 millions d'euros.
5. Le produit attendu au titre de l'impôt sur la fortune ne tient pas compte, pour des investissements comparables, de l'alignement du taux de la réduction d'ISF pour investissements dans les PME sur celui accordé à l'impôt sur le revenu. Cette mesure de bon sens dégage un rendement de plus de 400 millions d'euros.
Cette liste, non exhaustive, met en évidence une recette supplémentaire de 5 milliards d'euros au moins par rapport au chiffrage de l'Institut Montaigne, dont les travaux semblent indiquer que le chiffrage du projet fut bien objectif et réaliste.
Ce projet suscite des débats car François Hollande indique, lui, clairement ses choix. Il serait temps que le candidat sortant fasse de même et nous indique quels impôts il augmenterait. En effet, les seules mesures fiscales d'ajustement budgétaire déjà votées, les plans Fillon 1 et 2, permettent un surplus de recettes en 2012 de 16 milliards d'euros. Or le candidat sortant prévoit un effort fiscal, incluant les deux plans Fillon, de 40 milliards d'ici à 2016. Bref, il manque au candidat sortant 25 milliards d'euros de recettes. On aimerait, au moins concernant ces impôts inévitables mais pour l'instant non assumés et cachés, qu'il ait le courage de la vérité.