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ÉconomieMarine Le PenFN
Monétiser et nationaliser la dette

DÉCHIFFRÉE retour

proposition

Abroger la loi de janvier 1973 interdisant l'acquisition par la Banque de France des titres de la dette et contracter auprès d'elle des emprunts à des taux plus bas. Parallèlement, ramener le pourcentage de la dette publique française détenue par les étrangers en-dessous de 30 %, en émettant des bons du Trésor directement proposés aux épargnants et en incitant les banques françaises, via la régulation prudentielle, à acheter de la dette française en priorité.
Projet de Marine Le Pen, 19/11/2011
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chiffrage

L’impact de la monétisation de la dette de l’Etat français et l’incitation faite aux résidents français de détenir des titres souverains n’est pas chiffrable en l’état. Néanmoins, l’impact sur l’activité serait vraisemblablement légèrement positif à court terme, puis négatif à plus long terme.
Monétiser la dette de l’État français favoriserait l’« effacement » d’une partie de la dette et la baisse temporaire des taux d’intérêt. Cependant, elle entraînerait un accroissement de l’inflation, qui engendrerait une augmentation des taux d’intérêt néfaste à la croissance.
L’incitation faite aux résidents français de détenir des titres souverains est déjà très présente au regard de la législation actuelle et la proposition de détention directe de dette française par les ménages ne changerait pas nécessairement significativement leurs comportements. Un changement de législation sur ce point serait probablement contraire au traité européen, mal perçu par nos partenaires commerciaux et, à terme, néfaste à l’activité économique française. Voir le détail du chiffrage

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Détail du chiffrage

SOURCES

  • Les mesures non conventionnelles de politique monétaires face à la crise, Questions Actuelles n°1, Banque de France
  • Rapports annuels de l’Agence France Trésor
  • Les mesures non conventionnelles de politique monétaire, Focus n°4 du 23/04/2009
  • Public debt, money supply, and inflation : a cross-country study and its application to Jamaica, IMF working paper, 05/2006
  • Flow and Stock Effects of Large-Scale Treasury Purchases, Finance and Economics Discussion Series 2010-52, Federal Reserve Board, Washington, D.C.
  • The financial market impact of quantitative easing, Working Paper No. 393 Bank of England (2010)
  • The Effects of Quantitative Easing on Interest Rates, Kellogg School of Management, Northwestern University and NBER (juin 2010)
  • Les français ne veulent pas prêter à la France, La Tribune du 29/11/2011

COMMENTAIRE DU CHIFFRAGE

La mesure proposée se décompose en deux parties : la monétisation de la dette de l’État français et l’incitation faite aux résidents français de détenir des titres souverains. Pour chacune des deux parties de la mesure, plusieurs effets seraient vraisemblablement observés :

1.     La monétisation de la dette de l’État français 

L’abrogation de la loi de janvier 1973 et le financement par la Banque de France de l’État français correspond à une monétisation de la dette souveraine. Les effets de la monétisation de la dette souveraine sont les suivants :

o      L’« effacement » d’une partie de la dette et la baisse temporaire des taux d’intérêt : L’acquisition de titres d’État par la Banque de France conduit, dans un premier temps, à une baisse du taux d’intérêt d’emprunt de l’État français, et simultanément à un accroissement du bilan de la Banque de France et de la masse monétaire.

Globalement, l’impact de cette monétisation de la dette au reste des marchés financiers correspond à une augmentation du prix des actifs, ce qui réduit les coûts de financement pour l’ensemble des acteurs du marché et accroit la richesse apparente des détenteurs d’actifs. Ceci conduit aussi à accroitre la fluidité des marchés. Au total, la monétisation induit une diminution du taux d’intérêt sur la plupart des obligations négociées sur les marchés financiers et a donc un effet dynamisant sur la croissance à court terme.

Enfin, l’achat de tels titres souverains conduit à une dilution de la proportion de dette souveraine détenue par des non résidents.

o      Un accroissement de l’inflation à terme : La baisse du taux d’intérêt favorise l’activité à court terme, mais l’accroissement de la masse monétaire (suivant l’équation de Fisher) conduit à long terme à un surcroit d’inflation[1].

o      Par la suite, une augmentation des taux d’intérêt néfaste à la croissance   :   Cette inflation nuit en retour à la croissance compte tenu d’un accroissement du taux d’intérêt réel consécutif à l’introduction, par les investisseurs et créanciers, d’une prime de risque liée à l’inflation. Ceci nuit alors in fineà l’investissement et à l’emploi, compte tenu de la nécessité des entreprises à accroitre la rentabilité du capital et donc à alléger leurs coûts salariaux. Cet effet est renforcé par l’attrait qu’offre l’inflation sur les placements réels (actifs physiques, comme l’immobilier) au détriment des placements productifs (placements en entreprises).

A terme, le coût de l’augmentation des taux d’intérêt devrait en principe surpasser le gain initial d’effacement de la dette et de baisse temporaire des taux d’intérêt. Néanmoins, il est difficile et délicat de trouver une méthode d’estimation précise et validée théoriquement de ces effets monétaires.

La monétisation de la dette souveraine comporte de plus un certain nombre de risques importants :

o      L’aléa moral : Des rachats de forts montants par la banque centrale de titres d’État français désinciterait ce dernier à corriger sa politique budgétaire. La banque centrale serait alors contrainte de continuer à acquérir des titres d’État pour ne pas voir leur valeur s’effondrer et son propre bilan se dégrader démesurément. En conséquence, la banque centrale perdrait vraisemblablement sa crédibilité et la monnaie pourrait se voir dépréciée durablement. A ce titre, il est utile de rappeler que malgré les Quantitative Easingmenés par la Bank of England depuis quelques années, l’État britannique poursuit ses efforts de réduction du déficit public.

o      Dégradation de la crédibilité de la banque centrale   :   En effet, en effectuant ce type d’opération et en actant le caractère habituel de la monétisation de la dette de l’État (en supprimant la loi de 1973), la banque centrale perdrait son indépendance vis-à-vis de l’État et serait donc susceptible de perdre sa crédibilité sur son objectif de stabilisation de l’inflation. Ce défaut de crédibilité induirait à terme une prime de risque de la part du marché qui encouragerait la hausse les taux d’intérêt réel.

2.     L’incitation faite aux résidents à détenir des titres souverains :

o      Les fortes incitations existantes : Les institutions financières françaises sont déjà suffisamment incitées à détenir de la dette souveraine française au regard de la législation actuelle et la proposition de détention directe de dette française par les ménages ne changerait pas nécessairement significativement leur comportements. En effet, au regard des données publiées par l’Agence France Trésor, les principaux institutionnels à détenir des titres d’État souverain sont les assurances[2] : les Français détiennent vraisemblablement indirectement à travers leurs comptes d’assurance vie (qui bénéficient déjà d’un régime fiscal favorable) une part significative de la dette française. En effet, la réglementation actuelle privilégie déjà la détention par les assureurs et les banquiers de titres d’État souverains français ou issus de membres de l’OCDE. De plus, le dernier sondage réalisé sur un échantillon de français pour savoir si ceux-ci souhaiteraient détenir de la dette souveraine montre plutôt que les épargnants français ne semblent pas prêt à investir massivement sur des obligations d’État.

o      Conséquence d’un changement de la législation sur ce point   :   Une restriction supplémentaire permettant de privilégier encore davantage l’achat de titres d’État français par les institutions financières serait vraisemblablement contraire aux traités européens et serait probablement très mal accueillie par nos partenaires commerciaux. Une telle politique risquerait de mettre la France à la marge des négociations internationales sur ces sujets et conduirait probablement à l’exclusion de cette dernière du bénéfice de la réglementation notamment européenne. En effet, aujourd’hui, les banques et assurances des autres pays européens sont incitées à détenir de la dette de l’État français autant que de la dette de leurs propres pays. La réduction des acquisitions de titres de la part des institutions financières d’autres pays européens conduirait à un accroissement à terme des taux d’intérêt, qui serait néfaste à l’activité économique française.



[1]En effet, très schématiquement : un surcroit de monnaie pour une même quantité de bien disponible induit un accroissement des prix.

[2]Cf. site de l’Agence France Trésor

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déchiffrage

Pour
  • Marine Le Pen

  • Front national

  • Laurent Pinsolle

    porte-parole NDA

    « Hors de l’UE, la monétisation se fait surtout pour financer l’Etat. C’est le cas au Japon, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. [...] Bien sûr, les banques centrales anglo-saxonnes utilisent aussi la planche à billets pour financer les banques, mais pas uniquement. Mieux, ces vagues massives de monétisation n’ont pas provoqué de dérapage inflationniste majeur car la masse monétaire du secteur privé a tendance à baisser. Du coup, la monétisation des dettes publiques est un moyen de permettre d’éviter à l’économie à tomber en dépression. Mieux, elle permet de baisser le coût global de financement des dettes (autour de 2% pour Londres et Washington), facilitant la sortie de récession, malgré la violence de la crise financière. » CBI, 19-02-2012

  • Dominique de Villepin

    « Le temps est à la reconquête de l'action politique sur l'économie. C'est cela le véritable enjeu de notre indépendance nationale. Cela doit être l'axe central de la rigueur nécessaire, non pour plaire aux marchés mais pour se libérer d'eux. C'est pourquoi je plaide pour un grand emprunt national alimentant une caisse d'amortissement de la dette et permettant en un mot de nationaliser la dette publique. » www.dominiquedevillepin.fr, 07-08-0002

  • Arnaud Montebourg

    « Le problème de la dette est très sérieux, mais il n’est pas insoluble. Il nous faut proposer une stratégie pour surmonter l’obstacle de la dette. [...] Il faut d’abord s’engager dans une politique de monétisation de la dette, c'est-à-dire de rachat des dettes publiques des Etats européens par la BCE qui leur prêterait alors de l’argent à 0 % (et non à des taux élevés – notamment pour les Etats fragiles – comme actuellement sur les marchés). Immédiatement, le poids des intérêts des dettes diminuerait. » Projet d'Arnaud Montebourg, 100 propositions, 25-05-2011

Contre
  • Alexandre Delaigue

    chroniqueur économique à Libération

    « Les critiques adressées à la loi de 73 Pompidou-Giscard n'ont aucun sens. La dette publique française a atteint des niveaux bien plus importants que le niveau actuel avant 1973 (plus de 100 % du PIB en 1900, par exemple) et la dette publique a augmenté dans de nombreux autres pays depuis les années 70. Si un amendement à cette loi interdit effectivement à la Banque de France de racheter directement la dette publique lors de ses émissions, cela n'interdit pas à la banque centrale de prêter à l'Etat : il lui suffit pour cela de racheter sur le marché secondaire des titres de la dette publique, ce que fait d'ailleurs massivement la Banque centrale européenne (BCE) et toutes les banques centrales du monde. Si demain la BCE veut racheter toutes les dettes souveraines de la zone euro en créant de la monnaie, rien ne lui interdit de le faire. Pourquoi ne pas le faire, alors ? C'est que lorsque la banque centrale émet tant de monnaie, celle-ci reste rarement immobile dans les coffres des banques. Elle donne lieu à des crédits, la création monétaire s'accélère, cela cause de l'inflation. Lorsque les gens anticipent de l'inflation, ils cherchent à se débarrasser de la monnaie qu'ils détiennent plus rapidement, ce qui élève encore les prix, obligeant le gouvernement, pour payer ses dépenses, à recourir à de plus en plus d'émission monétaire. Tous les pays ayant recours sur le long terme à la monétisation de la dette ont connu ce genre d'épisode d'hyperinflation : Argentine, Turquie, Brésil, Bolivie, Israël, Chili, par exemple. Si récemment la hausse de la base monétaire (la monnaie créée par la BCE) n'a pas provoqué d'inflation, c'est que le contexte est très particulier : une crise majeure du système bancaire européen, qui conduit les banques à restreindre considérablement les crédits accordés. Dans ce contexte effectivement, une émission monétaire accrue a des conséquences limitées. Mais dans des conditions normales, un gouvernement qui recourt à la monétisation pour financer sa dette publique détruit très rapidement sa monnaie. » www.libération.fr, 27-02-2012

  • Pascal Ordonneau

    ancien président directeur général d'HSBC Invoice Finance

    « Dans la conception « contemporaine » des banques centrales et des systèmes bancaires, la monnaie est créée par les banques de second rang, suivant les besoins formulés par les agents économiques, entreprises, particuliers, etc et institutions publiques. Les banques centralesinterviennent sur les marchés interbancaireset monétaires pour réguler l’offre et la demande de monnaie. Lorsqu’elles interviennent via leur rôle de banque de dernier ressort, elles « refinancent » : la monnaie est déjà créée, les Banques centrales, peuvent accepter de fournir des liquidités aux banques secondaires… Elles peuvent aussi s’y refuser.Elles sont, dans cette conception, indépendantes des pouvoirs publics. En effet, rien de plus facile, si rien ne s’y opposait, pour un Etat peu scrupuleux des règles de l’orthodoxie financière, que d’imposer à la Banque centrale des achats d’obligations ou de bons du trésor, à leur émission, pour financer les dépenses publiques quelles qu’elles soient. C’est dans ce genre de conditions que les grands mouvements inflationnistes sont nés. [...] Quand les banques centrales « monétisent » les dettes publiques en souscrivant à leur émission, elles font crédit aux administrations publiques. Ces dernières peuvent ainsi ou bien financer de nouvelles dépenses publiques (investissement, recrutement de fonctionnaires, paiement des intérêts des dettes antérieures) ou rembourser les dettes antérieurement souscrites et venues à leur échéance. [...] Cela consisterait, à faire transférer les risques de pertes sur les Banques Centrales. Les opposants à l’intervention des banques centrales à la souscription de titres de dette publique dénoncent non seulement les risques inflationnistes mais une forme d’absolution donnée au laxisme des pays bénéficiaires de ces financements.  » www.lecercle.lesechos.fr, 19-09-2011

Autre
  • Jean-Luc Schaffhauser

    délégué général de la Fondation CAPEC

    « Si vous devez emprunter de plus en plus pour payer les intérêts croissants de la dette, vous êtes en train de faire banqueroute… La solution est alors la restructuration de la dette ou le défaut simple. La monétisation sera de toute façon obligatoire pour une aventure économique encore plus grande. La restructuration passe par des pertes dans les banques et les institutions financières, et vu le montant des sommes, il faudrait recapitaliser le système financier pour des montants introuvables sur le marché. Il faudra donc nationaliser, c’est-à-dire rajouter de la dette à la dette, par le biais d'États qui n’ont pas d'argent sans emprunter... Mais qui leur prêtera ? Personne ! Le défaut demande des montants encore plus importants pour recapitaliser le système financier, et le défaut d’un grand État entraînerait immédiatement une cascade de faillites avec les effets multiplicateurs de CDS souverains, des assurances sur crédit. Il faudra donc toujours monétiser ; c’est-à-dire faire marcher la planche à billets pour se sortir de cette impasse. » www.atlantico.fr, 29-11-2011

  • Juan Ramón Rallo

    docteur en économie, professeur à l’Université Roi Juan Carlos de Madrid et au centre d’études ISEAD

    « En définitive, l’effet le plus immédiat de la monétisation de la dette publique est un avilissement du papier monnaie national : une inflation interne élevée et la dépréciation du taux de change. Maintenant, ces conséquences peuvent être masquées ou compensées dans le cas de la monétisation de dette publique de pays solvables. C’est-à-dire qu’elles peuvent être masquées si, simultanément à la monétisation, on augmente la demande de papier monnaie ou si est réduite l’offre de ses substituts ; phénomènes qui ne se produiront que dans des systèmes économiques que les agents perçoivent comme suffisamment solvables dans leur ensemble pour honorer leurs dettes.[...] La question est : quels sont les bénéfices que peut apporter la monétisation de la dette publique ? D’un côté, si la banque centrale monétise la dette de pays solvables, elle contribuera de façon marginale à ce que l’État soit plus endetté, ce qui est loin d’être une bonne nouvelle. Si, d’un autre côté, elle monétise la dette de pays insolvables, non seulement elle alimentera encore plus l’endettement déjà insoutenable en soi de ces États, mais en plus elle portera préjudice à une partie des citoyens avec une inflation interne et externe ; inflation qui peut se transformer en hyperinflation si la monétisation devient le moyen habituel et presque exclusif de financer l’État. » www.contrepoints.org, 11-01-2012

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